Histoire

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Le culte gambettiste

Dessin des funérailles de Gambetta avec défilé du cortège funèbre place de la Concorde

Léon Gambetta incarne le modèle républicain au XIXe siècle. Personnage apprécié et charismatique, sa légende continue de s’écrire même au-delà de son décès.

Héros républicain

Un engouement spontané

La mort de Léon Gambetta a l'effet d'une véritable bombe dans l'opinion publique, d'autant que personne ne s'y attendait. Le corps de l’homme d’État est exposé au public le 1er janvier 1883 à la maison des Jardies. Des personnalités telles que Georges Clemenceau, Félix Faure, Jules Ferry ou encore les peintres Ernest Meissonnier et Léon Bonnat se succèdent pour rendre un dernier hommage au grand homme. 

L'autopsie du défunt se déroule le lendemain et donne lieu à un étrange rituel. Certains des organes de Gambetta sont emportés par des admirateurs, comme son cœur recueilli par Paul Bert, qui sera conservé aux Jardies avant de rejoindre le Panthéon le 11 novembre 1920. 

Puis vient l'hommage populaire. Dès le 3 janvier, quatre mille personnes se rendent aux Jardies et y déposent des montagnes de fleurs. Les 4 et 5 janvier, le cercueil de Gambetta est transféré au Palais Bourbon, où il reçoit la visite de plus de cent-cinquante mille personnes. Enfin le 6 janvier, un immense cortège accompagne le corps au cimetière du Père-Lachaise, dans un Paris en deuil. Les funérailles nationales de Gambetta sont grandioses et elles marqueront longtemps la conscience des Français. Peu après, ses restes sont transférés à Nice au sein du caveau familial selon la volonté paternelle.

Gambetta sur son lit de mort dans la chambre des Jardies entouré de ses amis
Photographie composée de H. Marrès : Gambetta sur son lit de mort, le 31 décembre 1882

© Archives départementales des Hauts-de-Seine

Le « saint de la République »

Dans les décennies suivantes, le souvenir de Gambetta reste vivace et s'accentue même à mesure que la confrontation avec l'Allemagne se dessine. Les monuments élevés à la gloire de Gambetta se multiplient et le « pèlerinage » des Jardies est incontournable pour tout bon républicain. Son culte se manifeste également sous une forme populaire, dans les nombreux objets réalisés à son effigie : timbres, médailles, couverts, etc. 

Mais la célébration gambettiste atteint son point culminant en 1920, à l'occasion de la cérémonie qui associe le transfert du corps du Soldat inconnu sous l'Arc de triomphe à celui du cœur de Gambetta au Panthéon. Le martyr et le saint de la République sont alors réunis symboliquement, à l'occasion d'une somptueuse procession. 

Sous l'Arc de Triomphe lors de la cérémonie du 11 novembre 1920 défilent des soldats sur des chevaux, escortant un char avec le coeur de Gambetta et un canon transportant le corps du Soldat inconnu
Cérémonie du 11 novembre 1920, le char décoré contenant le coeur de Gambetta et le canon transportant le cercueil du Soldat inconnu sous l'Arc de triomphe

© Gallica - BnF

L’oubli

Après la Seconde Guerre mondiale, le culte voué au héros républicain tend cependant à disparaître. La maison des Jardies est partiellement laissée à l'abandon tandis que le cadurcien perd la place d'honneur qu'il occupait dans les programmes scolaires. « Léon Gambetta » devient un nom de rue ou de boulevard, qui évoque bien peu de chose au passant.

Il reste cependant beaucoup à tirer de l'étude d'un tel homme, singulier en bien des points. Aujourd'hui restaurée, la maison des Jardies permet de redécouvrir Léon Gambetta. Au fil de la visite, objets quotidiens et souvenirs, nous révèlent la personnalité de celui qui fut le pionnier et le fondateur de la IIIe République.

Vue de l'avenue Gambetta à Sèvres devant la maison des Jardies, avec le monument commémoratif à gauche
Carte postale de l'avenue Gambetta limitrophe de Sèvres et Ville-d'Avray en 1900

© Archives départementales des Hauts-de-Seine